C'est le coeur qui lâche en dernier - Glaçant

Suite à la crise économique qui a touché les Etats-Unis, Stan et Charmaine ont perdu leur travail et leur maison. Ils sont contraints de vivre dans leur voiture, subsistant grâce aux pourboires de Charmaine qui travaille dans un bar. Un jour, ils découvrent une publicité pour une ville qui promet le plein emploi et un toit pour tous. Dans cette ville, Consilience, les habitants vivent dans une maison avec confort et nourriture pendant un mois. Le mois suivant, ils doivent aller en prison et travailler pour la communauté.

*Partenariat
Livre reçu gratuitement en échange d'un avis honnête
Merci à Decitre et aux Éditions Robert Laffont

Rentrée littéraire 2017

Margaret Atwood, largement plébiscitée pour son roman "La servante écarlate" récidive avec une nouvelle histoire d'anticipation plutôt angoissante.

Le prix à payer pour atteindre le bonheur

A priori, le système de Consilience est assez fonctionnel. Un mois en liberté et un mois en prison. On intègre une communauté dans laquelle tout le monde a un emploi, une maison et peut manger à sa faim alors que dehors c'est l'anarchie la plus totale. N'importe qui dans la même situation sauterait sur l'occasion. Forcément, quand une proposition est trop belle pour être vraie, les doutes sont légitimes. Dans quelle mesure peut-on accepter de renoncer à sa liberté pendant un mois pour avoir la possibilité de vivre décemment le mois suivant ?

Je pense qu'à partir du moment où l'on accepte le procédé, le système est viable. D'un point de vue purement théorique, il n'y a aucune raison pour que cela tourne mal. Les problèmes qui surgissent dans le roman ne viennent pas de l'organisation en elle-même mais plutôt des individus qui la composent. Cela conforte l'idée qu'il ne faut pas négliger le facteur humain dans ce genre de situation, ni la loi de Murphy ("Tout ce qui est susceptible de mal tourner tournera nécessairement mal").

"Les citoyens ont toujours été un peu comme des détenus et les détenus comme des citoyens, si bien que Consilience et Positron ont juste officialisé le concept"

Le détail qui enraye la machine

A Consilience, le couple partage sa maison avec un autre couple. Les alternants occupent la maison quand ils sont en prison et vice-versa. La règle étant qu'ils ne doivent en aucun cas avoir de contact avec leurs alternants. Un jour, cette règle est enfreinte et cela entraine une série d'évènements malencontreux pour Stan et Charmaine.

Au début du roman, on a beaucoup d'empathie pour le couple mais leurs véritables personnalités se révèlent peu à peu. Charmaine est égoïste, elle ne laisse pas à Stan la possibilité d'exprimer sa véritable personnalité et elle n'éprouve aucune passion pour lui. Stan quant à lui, projette sur sa femme des fantasmes qu'il n'assume pas vraiment et l'absence de passion dans son couple le ronge doucement. Ils sont engagés dans une relation qui se révèle insatisfaisante pour eux et qui est à l'origine de leurs problèmes.

Très (trop) réaliste ? 

En prison, les civils en alternance doivent exercer des activités utiles à la communauté mais certaines de ses activités sont contestables. Ici encore, j'ai l'impression que ce n'est pas le système civil/prisonnier qui est mis en cause mais les débordements des dirigeants qui ont choisi le profit à tout prix.

"Si on commet de mauvaises actions pour des raisons dont on vous a dit qu'elles étaient bonnes, est-ce que ça fait de vous quelqu'un de mauvais ?"

Le roman enchaine les révélations quant à ce qui se cache derrière le projet "Consilience". C'est malsain, c'est éthiquement contestable et nous réalisons encore une fois que l'être humain est capable de tout. Surtout du pire. Cela permet de garder à l'esprit à quel point des valeurs comme le libre arbitre, la liberté et la pleine possession de sa conscience sont importantes.

Un bon roman d'anticipation, une histoire divertissante par ces nombreux rebondissements, certaines scènes peuvent mettre mal à l'aise et d'autres n'ont pas vraiment de sens, mais le roman dans son ensemble permet d'amorcer une réflexion sur de nombreuses questions. 


C'est le cœur qui lâche en dernier - Margaret Atwood
Robert Laffont, 450 pages

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